Lancée en 2011, la version online du championnat du monde des DJ DMC reprend du service en 2012, avec quelques évolutions dans les règles.
Plutôt que de s'affronter sur une scène lors d'une finale mondiale après avoir passé les sélections locales, les participants font leur démonstration via une vidéo... La pression est donc moins forte, de même que les contraintes, vu qu'ils peuvent utiliser CD, synthé ou ordinateur pour effectuer leur routine.
Le vainqueur, choisi par le public et quelques anciens champions DMC, gagnera 3 000 $ et le droit de participer (sur scène ou dans la salle) au championnat DMC... qui se déroulera cette année à Londres en septembre. Pour y arriver, il devra passer les trois manches et la finale (date de soumission sur le site du DMC online).
En 2011, c'est l'Allemand Unkut qui l'avait emporté... appréciez l'intégration du sampleur !
Le 23 novembre 2011, Kid Koala investissait la Gaîté Lyrique à Paris pour un concert exceptionnel dans la foulée de la sortie de sa bande dessinée Space Cadet à l'illustration sonore minimaliste et poétique.
Avant même d'entrer dans la salle, les spectateurs pouvaient se divertir avec quelques jeux liés à l'univers du livre et même une tombola animée par le DJ canadien en personne. Une bonne entrée en matière dans son monde ludique !
Après la première partie assurée par Terence Bernardo accompagné par Kid Koala à la platine, c'est assis par terre adossé à des traversins géants, un casque sur les oreilles, que le public a pu assister au spectacle. Le Canadien - qui avait pris le soin de faire traduire toutes ses interventions en français - a alterné titres de Space Cadet, morceaux anciens et titres de son album à venir... en 2012. Le tout avec d'excellente vidéo et quelques animations pour occuper les spectateurs.
Pour avoir une idée de l'ambiance, c'est par ici...
Bonus :
Et pour avoir une idée plus précise du boulot de Kid Koala en concert, une vidéo de son passage à la Canal Street Session Live mis en ligne le 3 janvier 2012 :
Voici le premier vrai message de ce blog... les suivants étant des archives récupérées à droite à gauche de ce que j'aie pu écrire depuis quelques années.
Ces textes servent à la fois à proposer un peu de contenu au lancement de ce blog, mais aussi et peut-être surtout à donner le ton, l'angle des sujets qui seront abordés dans ces pages.
Vous retrouverez ainsi un article sur les DJ français qui jouent des platines, un extrait de mon bouquin sur l'histoire des DJ, quelques chroniques, portraits, interviews, etc. afin d'illustrer mon intérêt pour les DJ et leur manière de vivre la musique.
(Article publié le 18 mars 2010 sur Chroniques électroniques)
6 mars 2010, les Birdy Nam Nam remportent la Victoire de la musique de « l'enregistrement de musiques
électroniques ou dance de l'année ». Une anecdote de cette cérémonie sans intérêt pour certains, un symbole pour d'autres.
Le symbole que les groupes composés de DJ ne sont plus simplement une
curiosité, mais sont entrés dans le paysage musical grand public. Leur exemple fait d'ailleurs des émules puisque d'autres équipes de DJ sortent en ce début 2010 leur premier disque.
Pour les Birdy, tout commence en 2002, Need, Little Mike et Crazy B (Pone se concentre sur la compétition individuelle) gagnent la compétition phare : le DMC. Dans cet univers très technique et très confidentiel, les Français apportent une touche nouvelle, la « musicalité ». Fini les démonstrations de
scratchs ou de beat juggling, leur routine se veut musicale !
Le titre remporté, le groupe décide de se lancer dans la composition d'un album. Le disque éponyme voit le jour en 2005 (voir aussi la vidéo très didactique du génial titre Abesses), démontrant tout le travail effectué par les DJ pour passer d'une
démonstration dans une compétition à de véritables morceaux accessibles à des auditeurs pour qui le passe-passe est un extrait de chanson de NTM, et le crabe, un crustacé (alors que ce sont des
termes techniques de DJing !).
Ils présentent aussi à cette occasion leur large palette d'influences qui va du rap au jazz en passant par bien d'autres styles... un éclectisme qu'ils
oublieront malheureusement par la suite.
C2C quatre fois champion
Mais si les BNN ont lancé le mouvement, d'autres groupes de DJ sont là pour assurer la relève, et de quelle manière ! Les Nantais de C2C vont être
champions du monde DMC par équipe pendant quatre ans, de 2003 à 2006. Mais surtout, ils vont pousser le concept de « musicalité » dans l'univers des DJ techniques à un niveau bien plus
élevé. Leurs routines contiennent de véritables nouveaux morceaux ou des remixs plus que convaincants.
Quand il s'agira de prolonger l'expérience sur disque, le groupe divisera ses forces avec Atom et Pfel qui fonderont de leur côté Beat Torrent et 20Syl et Greem, le groupe de rap Hocus Pocus (qui vient d'ailleurs de sortir un nouveau disque). Seuls les deux premiers
continuent uniquement en tant que DJ dans un style plus électronique qui convaincra nombreux programmateurs de festivals. Ils sont aussi les auteurs d'un album sorti l'an passé sous le titre
Live Set 2008.
De nouveaux challengers sur disque
Mais à l'écart de ces précurseurs, d'autres équipes de DJ travaillent dans l'ombre et préparent eux aussi leurs titres confectionnés aux platines. « Scratch Bandits Crew s'est formé en 2002. Nous étions plusieurs DJ sur Lyon à se retrouver autour du scratch, nous avons formé un collectif qui est
devenu un vrai groupe après les premiers concerts », raconte un des membres, DJ Supa-Jay. « Nous avons très tôt voulu faire de la musique, mais c'était compliqué de piocher dans
les disques existants, nous devions nous contenter de titres courts ou de remixs.
Mais avec la possibilité de presser des vinyles à l'unité ou avec les systèmes numériques permettant de scratcher
des fichiers numériques, nous pouvons désormais aller plus loin », explique-t-il. Les Lyonnais publient donc en avril leur premier maxi (chroniqué ici) qui démontre à la fois leur technique et leurs diverses influences musicales.
Ce groupe est aussi passé par les compétitions, notamment en remportant le championnat de France DMC par équipe en 2004 ou le championnat du monde 2008 en solo pour DJ Fly.
Une étape qui semble inévitable, puisqu'elle a également été suivie par Pulpalicious, vice-champion de France en 2007 et 6e au championnat du
monde suivant. Les quatre Dijonnais composaient déjà à la fin des années 1990. « Nous voulions déjà faire ce que nous faisons aujourd'hui avec le groupe, se rappelle Mr Style, il y a en
effet un moment où la technique devient un peu rébarbative et nous avons cherché quelque chose de plus musical ».
Après différents projets perso et quelques changements dans le collectif,
Pulpalicious se lance pour quelques dates en 2007 et se fait repérer par un des programmateurs des Eurockéennes qui les invite au festival en 2008. « Il y a eu aux Eurocks un effet auquel nous
ne nous attendions pas, ça a buzzé, on a trouvé un bookeur qui nous a calé plein de dates. »
Le groupe a ensuite attendu janvier 2010 pour sortir un premier maxi, Dirty. « Il aurait fallu le sortir en 2008, mais nous avons enchaîné les concerts
et nous n'avions pas le temps d'enregistrer », observe Mr Style. S'ils viennent du rap, ils reconnaissent que leur musique sonne plus électro-rock. « Cela reste technique car pour faire
de la musique à quatre, il faut une véritable coordination, mais le public ne veut pas non plus du scratch pur et dur », continue-t-il.
Le futur des groupes de DJ
Quant au futur, il pourrait se dessiner bien vite. En effet, ce sont encore des Français, toujours très axés sur la musicalité, qui ont trusté les premières places du DMC par équipe ces dernières
années. Venu de la région parisienne, Traumateam a ainsi fait 3e en 2007 puis deux fois deuxième en 2008 et 2009 (coincés derrière les Japonais de
Kireek).
Un résultat 2009 qui leur reste un peu au travers de la gorge, avec seulement un point de retard sur les premiers. « Nous avons été surpris par l'appréciation de certains jurys
qui nous ont vraiment pénalisés. Nous ne partageons pas du tout notre vision de la musicalité avec les Japonais, car ils sont très techniques, mais tu te fais chier pendant six minutes, commente
DJ R-Ash, dans nos shows nous essayons d'être musicaux avant tout. Il faut que ça parle à tous les gens, même ceux qui ne connaissent pas le turntablism. Nous essayons qu'il y ait un début,
un milieu, une fin et de raconter quelque chose. »
Traumateam - DMC France 2010
Si l'idée d'enregistrer un maxi ou un album n'est pas encore tout à fait à l'ordre du jour, elle pourrait arriver rapidement. « Nous aimerions essayer de donner
un sens à l'aventure Traumateam avec peut-être un breakbeat de nos compositions ou nos routines. Il faut laisser les choses fermenter. Nous voulons en tout cas continuer dans le sens d'un
groupe », espère R-Ash. Certains membres du groupe, sous l'étiquette Scratch Science, ont déjà sorti plusieurs vinyles à destination des DJ.
Ils sont conscients qu'ils font partie d'un mouvement en mutation. « Le fait d'être un groupe de DJ est de plus en plus naturel. Le public est de moins en moins surpris d'entendre quelque
chose de musical et d'accessible joué par des DJ. Les Birdy Nam Nam ont réussi à faire intégrer ça », concède-t-il. « Les groupes de DJ restent encore une curiosité, même elle est moins
forte qu'avant », considère pour sa part Mr Style de Pulpalicious.
Supa-Jay rappelle toutefois que « les groupes de DJ existent depuis longtemps [les premiers sont les Invibl' Scratch
Piklz – Q-Bert, Mixmaster Mike et Apollo – champions DMC en 1992], les BNN n'ont fait que démocratiser la chose », ce qui permet notamment aux Scratch Bandits Crew de n'avoir
« plus besoin d'expliquer [leur] manière de faire de la musique ».
(Conclusion du livre "L'Histoire des DJ... et de leur influence sur la musique" écrit par l'auteur de ce blog - sorti en janvier 2010 chez Camion blanc)
Si des DJ anglais, allemands et bien d'autres ont également joué un rôle dans le développement de la musique, les trois exemples développés ci-avant présentent les cas où l'influence sur la musique a été la plus directe et la plus importante. Le rap, le reggae, la house et la techno tirent en effet directement leur existence et leurs particularités de la pratique des DJ. Ces trois périodes sont aussi celles pendant lesquelles l'essentiel des techniques de mixage encore utilisées aujourd'hui ont été conçues.
Au cours des années 1990, la techno, la house et leurs dérivés touchent le grand public, grâce à quelques grands noms qui se dégagent dans le paysage tels que Laurent Garnier, Jeff Mills, Sven Väth ou Carl Cox pour les musiques électroniques. Ces derniers portent le mouvement et drainent un public qui est prêt à les suivre les yeux fermés. Le rap explose lui aussi aux Etats-Unis et dans le reste du monde avec des figures comme Nas ou Jay-Z, tandis que le reggae popularisé par Bob Marley continue ses mutations qui trouvent des amateurs bien au-delà des frontières de son île d’origine. La plupart des DJ continue à multiplier les casquettes de producteurs, de remixeurs et parfois de patrons de label. A l'image de ce que faisaient les « Big Three » à la Jamaïque, le meilleur moyen d'avoir des morceaux au goût du public, et de faire plus d'argent, reste de contrôler toutes les étapes de la chaîne de production et de diffusion.
Les possibilités de publier des disques se multiplient avec la sortie de compilations mixées à partir de 1992, le développement des maxis et des albums même si ce format ne reste pas toujours bien adapté aux musiques électroniques. Les remixs deviennent également de plus en plus courants dans la musique électronique, chaque morceau sur maxi étant accompagné d'une ou plusieurs de ses relectures, de plus en plus sophistiquées, s'éloignant des originaux avec de nombreux ajouts.
La démesure des années 2000
Vers 1997 avec l'arrivée de la french touch tirée par des groupes comme Daft Punk ou Cassius, une nouvelle ère débute avec un important écho trouvé auprès du grand public. Les propriétaires de clubs et les organisateurs de soirées proposent des ponts d'or pour accueillir les meilleurs DJ, ne serait-ce que pour un set de deux heures. Certains font la couverture de magazines, des tournées mondiales sont organisées dans des lieux de plus en plus grands, atteignant parfois le stade de football. Ibiza devient la destination de l'été pour tous les clubbeurs, faisant exploser les prix d'entrée des clubs et les cachets des résidents. Les remixeurs de renom touchent parfois d'énormes sommes pour revisiter un titre. Toute une économie se met en place autour d'eux, certains sont signés dans des majors, d'autres sont gérés par des agences de booking. Les DJ rap restent quant à eux confinés à des sphères moins larges alors que les MC deviennent des superstars internationales.
Après l'an 2000, peut-être le point culminant de la démesure du succès des DJ électro, certains grands noms ont pris du recul, d'autres ont émergé. « Pour l'industrie techno, cette date fut un point de non-retour. Elle symbolisait l'insatiable gourmandise d'un système devenu marchand, dans lequel la musique ne tenait plus qu'une place circonstancielle », considère Laurent Garnier dans Electrochoc. Le DJ aujourd'hui est une figure banalisée. Les plus connus gagnent toujours d'impressionnants cachets, mais ils jouent une musique commerciale et ne prennent plus beaucoup de risques. Ils sont entrés dans un moule où les expérimentations sont bien rares et où la technique n'est plus considérée comme une qualité. Seuls les 2ManyDJ's et leurs bootlegs ont produit quelque chose d'un tant soit peu original ces dernières années. Leur mélange de styles s'appuyant sur des enchaînements rapides entre les titres rappelle ce que faisaient les DJ du Bronx dans les années 1970... avec le même objectif de faire danser.
Certains anciens comme Laurent Garnier, Jeff Mills ou Carl Cox continuent de jouer en club avec un moindre impact auprès du grand public, mais toujours un fort soutien des connaisseurs. Les plus populaires d'entre eux, le Français David Ghetta ou le Hollandais DJ Tiësto par exemple, produisent une musique totalement formatée qui n'apporte rien d'inhabituel. Excepté dans le rap, rares sont les DJ qui participent encore à des groupes de musique, une pratique qui relève surtout de la curiosité. Leur influence sur la musique est donc bien limitée aujourd'hui. Il ne semble pas falloir attendre de nouveautés des nombreux clubs toujours très fréquentés de New York, Londres ou Paris. Quelques sous-genres voient tout de même le jour régulièrement, le dubstep en Angleterre ou le Kuduro en Angola par exemple, mais pas de quoi ouvrir une véritable voie originale et durable.
Les DJ gardent en revanche un rôle à jouer dans la révolution numérique qui se joue actuellement. Des matériels modernes ou des logiciels de mixage sont développés régulièrement pour offrir de nouvelles possibilités. Les innovations en matière d'interaction avec l'image, avec des DJ-set mêlant musique et vidéo, sont sans doute les explorations les plus intéressantes. Coldcut en a donné une très intéressante illustration en 2009 avec leur film écologiste Energy Union. Au lien entre images et création en directe de la musique par le biais de machines et d'un petit ensemble de cordes, le duo anglais a ajouté un véritable message politique. Une dimension sans doute encore peu exploitée...
L'utilisation de logiciels types Final Scratch ou Serato, qui permettent de mixer des fichiers sur un ordinateur à partir de platines équipées de vinyles spéciaux, permet aussi de modifier les pratiques. La crise du CD pourrait également en pousser certains à inventer des prestations scéniques originales, les concerts demeurant l'activité la plus rentable actuellement. Les expériences acoustiques telles que l'utilisation du son surround, tentées notamment par Amon Tobin ou Aphex Twin, devraient offrir encore de nouveaux terrains de jeu au fur et à mesure que les salles accueilleront ce type d'équipement.
Les DJ conservent bien entendu le rôle de découvreurs de musique, faisant le tri dans la foisonnante production, et surtout d'historiens auprès d'un public qui vit de plus en plus dans la tendance du moment, oubliant celle d'hier... Ce même public qui veut toujours danser, un besoin à l'origine de bien des innovations sonores !
(Chronique publiée sur Chroniques électroniques jeudi 7 octobre 2010)
Lieu : Rex Club (Paris)
Date : 6 octobre 2010
Après un article sur le DJing en France et nos fiers représentants aux championnats du monde DMC,
je me devais de passer le 6 octobre au Rex club pour
apercevoir les meilleurs Français aux platines, qui sont souvent
ensuite les meilleurs mondiaux.
J'arrive tout juste pour la routine des Traumateam,
double vice-champion du monde 2008-2009, et qui remettaient leur titre
en jeu en misant encore sur une démonstration axée sur la musicalité.
R-Ash, Viktor, Hertz et Deska ont encore une fois tirés leur épingle du jeu devant les deux autres équipes présentes et iront
défendre la France les 17 et 18 octobre à Londres au championnat du monde dans la catégorie World team battle.
L'ambiance est chaude dans le club plus habitué aux beats techno
qu'aux scratchs furieux et les VIP défilent derrière les concurrents.
Outre le jury de grande classe avec Dee
Nasty, Naughty J, Crazy B et Pfel notamment, Cut Killer et Joey Starr rendent une petite visite pour
faire monter la pression sur les DJ participants.
Après 15 minutes plutôt bien menées de beatbox assurées par Eklips,
qui fera aussi un show pour la finale mondiale, il est temps
d'attaquer les quarts de finale de la Battle for world supremacy.
Après quelques réglages techniques et les prises de paroles
intempestives de Little Mike des Birdy Nam
Nam, les duels débutent dans une ambiance chaude dans le
public et appliquée sur scène. C'est la grande fête du scratch et du
beat juggling ! C'est finalement Getback
qui l'emporte devant les cinq autres concurrents de niveau inégal.
La fête continue au Rex club, tandis que Traumateam et Getback, qui seront accompagnés de LigOne dans la catégorie reine, ont déjà sûrement la tête à Londres...
(Chronique publiée sur Chroniques électroniques vendredi 13 novembre 2009)
Je ressors cette interview en hommage à un DJ parti trop tôt un jour de septembre 2011... repose en paix.
Un producteur français qui a brillé
autant dans le rap que dans la musique électronique, DJ par dessus le
tout, il n'y en a pas des tonnes. On en a interviewé un des
rares, DJ Mehdi, à l'occasion de la sortie de son album de remix, Red, Black & Blue, qui permet de
découvrir des titres passés ou présents du bonhomme dans des styles assez variés.
Commençons pas le commencement, peux-tu nous raconter tes premières expériences de producteur ?
Aussi loin que j'ai eu l'envie ou
l'ambition de faire de la musique, ou même d'être simplement DJ, ça a
toujours été pour faire du rap. Pour le dire autrement, le
rap est antérieur à mon désir d'être musicien. J'ai d'abord voulu
danser, puis taguer, puis rapper, puis beat-boxer. J'étais dans le
hip-hop, ensuite je suis devenu DJ, puis compositeur,
etc...
Quels souvenirs as-tu de cette période quand la Mafia K'1fry n'était pas encore très connue ?
D'excellents souvenirs. On était tous très jeunes, je connais par exemple Kery, Rohff et le 113 depuis que j'ai 15 ans. J'en ai 32 aujourd'hui.
On apprenait la musique en même temps que la vie. On était tout le temps ensemble.
Il y a eu ensuite le succès, surtout avec le 113, et puis les
premières tentatives plus électro, comment as-tu glissé du rap à
l'électro ?
En 1996, après le premier album d'Idéal J, j'ai eu un coup de fil de MC Solaar. Il m'a demandé de venir à son studio, de lui faire écouter des
instrus, de participer à la production de son 3e album. C'est là que j'ai rencontré Zdar et Boombass de Cassius - à l'époque Motorbass et La Funk Mob.
Ils m'ont
fait écouter leurs disques, puis emmené avec eux en tournée, mixer
en Angleterre et aux USA. Sur une date à New-York, en 1998, j'ai
rencontré Pedro (Winter aka Busy P, NDLR)
et les Daft Punk. De fil en aiguille, Pedro et moi nous sommes rapprochés. Pour résumer, tout fut une affaire de rencontres.
Le premier album, les maxis sur la label Espionnage, comment se sont passés ces débuts solo ?
D'abord, il faut rappeler que je n'était jamais vraiment solo au début d'Espionnage. Il y avait toujours Manu Key avec moi, que ce soit derrière le
sampler ou chez le banquier. L'idée du label, c'était vraiment tous les deux. D'ailleurs, les premiers maxis du label, Rohff, Rocé, 113, Karlito,
sont tous des projets
menés en duo. Manu Key est complètement central dans la naissance
d'Espionnage. De même, l'équipe de Chronowax, notre distributeur à
l'époque, et de 360 Design, notre graphiste/marketing,
faisaient intégralement partie de l'équipe. Ensuite, l'idée de faire
de la musique instrumentale, seul, était déjà présente dans les
premiers albums d'Idéal J et de 113, où de longs interludes
musicaux ponctuaient toujours les disques.
Et puis tu as trouvé une sorte de nouvelle famille avec Ed Banger...
Tout ça fut très progressif. Comme je
te l'ai dit, je connais Pedro depuis plus de dix ans. Il y a eu
plusieurs étapes avant d'arriver à l'Ed Banger :
d'abord il y avait "la bande des Daft", puis Headbangers Entertainment, avec Cassius, Cosmo Vitelli et Thomas Winter&Bogue. Enfin, le label Ed Rec, avec So-Me, Mr
Flash et Justice d'abord en 2003, puis dans un deuxième temps Sebastian, Uffie, Feadz et Mr Oizo, vers 2006. On pourrait également ajouter Kavinsky,
et les Institubes avec Surkin et Para One notamment, tout ça donnant naissance à une scène assez homogène, et très unie. Quelques bons maxis, quelques belles fêtes - en
Angleterre surtout -, et une bonne émulation générale.
Te sens-tu un peu à part, par ta musique ou ton "ancienneté", par rapport aux autres groupes du label ?
Non, pas du tout. Chacun, dans le
label, a une personnalité et un son propres. Il n'y a guère que
Sebastian et Justice que tu aurais pu rapprocher excessivement en
2006/2007, mais ça n'est plus le cas aujourd'hui. Pedro a toujours
veillé à ce que l'équipe reflète ses goûts musicaux : éclectiques et
divers.
Tu viens de sortir un album de
tes remixs, dont certains datent pas mal, pourquoi ce choix de l'album
de remix et comment les as-tu choisi ?
Je me suis beaucoup posé la question, s'il fallait se servir de cette compil' pour "raconter mon histoire",
en y incluant des choses anciennes, ou bien "ré-écrire mon histoire" en
me concentrant sur les morceaux récents. J'ai choisi la première
option, qui a aussi accouché du titre Red Black And Blue,
comme trois périodes de ma vie de remixeur. Les titres anciens sont plus
simples, plus dépouillés, plus rap aussi. C'est comme ça
que j'ai commencé, c'est comme un petit témoignage. Enfin, parmi ceux
que je voulais vraiment inclure, il y a eu plusieurs déceptions liées
aux maisons de disques impliquées. Certaines major,
Universal notamment, n'ont pas souhaité me laisser ré-utiliser des
remixs que j'avais réalisé pour eux. Busta Rhymes par exemple, Ghostface Killa ou Akenaton. Pour ça, j'ai
fait un autre disque, gratuit celui-là, qui s'appelle Black Black And Black, et qui reprend tous les tracks interdits. Il est en téléchargement gratuit sur mon site.
Tu as remixé des artistes très différents, et plus ou moins
connus, comment choisis-tu ou es-tu choisi ? Quelle est ta recette pour
remixer un titre ?
Il n'y a aucune règle. La seule
constante pour moi, c'est m'amuser. Je choisis au feeling, des artistes
que je connais ou pas, pour des labels cool ou des majors,
gratuitement - souvent - ou pour beaucoup d'argent - parfois. Le
truc le plus important reste pour moi la rythmique. beat/basse, c'est ce
à quoi je m'attaque en premier.
On sent une certaine continuité dans ces remixs, comment définirais-tu ton style, ta patte que l'on retrouve souvent ?
J'ai beaucoup de mal à porter des
appréciations sur ma propre musique, je préfère laisser ça à chacun,
public ou journalistes. La musique a pas mal changé depuis
1999, l'industrie aussi, le matériel et les possibilités également.
J'essaie de me tenir à ma ligne, là où me mènent mes mains et mes
oreilles.
Quels sont tes projets musicaux et tes envies ?
Beatmaking and having fun.
Quels sont les groupes de rap et les artistes de musique électronique qui ne quittent pas ta platine en ce moment ?
(Chronique publiée sur Chroniques électroniques le 16 mars 2010)
Sortie : avril 2010
Label : Infrasons
Avant un article sur les groupes de DJ, voici la chronique du disque qui en a été le
déclencheur. Scratch Bandits Crew,
collectif de DJ lyonnais, qui a déjà fait pas mal de dates en France,
notamment aux Nuits Sonores 2009, a décidé de prolonger son
expérience, de plus de huit ans ensemble, sur un maxi qui devrait leur
fournir une bonne carte de visite.
Le groupe "s'est contenté pendant longtemps des compétitions et du live, tout en enregistrant des morceaux", explique DJ Supa-Jay,
"chef d'orchestre" de la bande. "Nous avons
estimé que c'était pertinent de sortir un disque aujourd'hui",
ajoute-t-il. Outre les six DJ de Scratch Bandits Crew, cet
enregistrement a nécessité la participation virtuelle d'une vingtaine de
musiciens pour enrichir (sur plusieurs années) la banque de sons
dans laquelle ils ont puisé leurs compositions. Venu du rap, dont ils
gardent l'esprit, les auteurs d'En Petites Coupures
explorent la musique électronique (Scratch Lunaire), le jazz (It's About Show Time! et les nombreuses interventions de cuivres) avec souvent un esprit rock (In My Head)
pour présenter toutes les influences du groupe. "Il y a tout un
travail de recherche, de construction-déconstruction des morceaux. Nous
prenons la matière, nous la bousculons, nous faisons
cohabiter analogique et électronique pour donner un résultat un peu
mutant", précise Supa-Jay.
A l'inverse des Birdy Nam Nam, auxquels ils sont
inévitablement comparés, le collectif a choisi de laisser apparents
leurs scratchs, notamment sur les voix, démontrant ainsi
toute leur technique derrière les platines. Leurs morceaux sont
toutefois plus que de la musique scratchée avec de véritables
constructions et souvent des bonnes montées en puissance. Ils sont
bien loin de la "routine" de championnat, ce qui leur permet de
s'adresser à un cercle bien plus large que celui des spécialistes.
Si les Birdy Nam Nam sont tombés dans une techno efficace et loin du
style qui les a fait connaître, d'autres groupes, comme Scratch Bandits
Crew avec ce disque, devraient combler les amateurs de
musique jouée avec des platines dans des styles rappelant
l'éclectisme qui devrait être cher à tout DJ.
(Chronique publiée sur Chroniques électroniques jeudi 11 novembre 2010)
Sortie : septembre 2010
Label : Cypres Records
Les noms des groupes en présence est assez long, pas besoin
d'ajouter de titre à ce disque fruit de la rencontre des 12 DJ belges de
DJ Grazzhoppa's DJ Bigband et du trio Aka Moon. Fabrizio Cassol,
saxophoniste de ce dernier groupe, était déjà proche de ce collectif
de DJ en 2002 à sa création, réunissant alors "seulement" six
scratcheurs.
Avec Michel
Hatzigeorgiou à la basse et Stéphane Galland
à la batterie, il explore depuis 1992 la fusion du jazz avec d'autres
univers musicaux, venus notamment d'Afrique. La
rencontre s'est concrétisée sur scène au KVS à Bruxelles le 13 mars
2007. Trois ans plus tard, il est possible de la revivre sur CD et DVD.
Le résultat est un énergique mix entre samples,
scratchs et un jazz fusion séducteur.
Les grandes idées donnent parfois de petits résultats. Autant dire que ce n'est pas le cas avec DJ Grazzhoppa's DJ Bigband + Aka Moon.
La majorité du disque fait se
croiser habilement les manipulations des DJ, le sax, la batterie et
la basse sans que personne ne se marche sur les pompes. Chacun dispose
d'un espace bien défini et ne dépasse pas. Il ne semble
pas y avoir de place pour l'impro tellement tout est calé au poil.
Les scratchs répondent aux instruments, les claquements de caisse claire
encouragent les DJ à envoyer leurs sons gravés sur
vinyles.
L'ambiance est festive et le cohésion parfaite. Sur 12 Sentences, l'heure du règlement de comptes a sonné entre platines et batterie qui rivalisent de technicité pour offrir de
magnifique questions-réponses autour d'une rythmique sophistiquée. Plus technique encore, ce Solo Grazzhoppa en forme d'hommage aux débuts du DJing.
Le trio place quelques références à l'Afrique sur Continents, premier signe d'ouverture vers d'autres styles. La voix de Monique Harcum est là pour
impulser les autres rares variations, un peu molle sur la chanson jazzy Wonderful, plus convaincante sur la soul de Say Yeah. Retour à l'instrumental avec We Said We
et
son tempo survolté pour prendre un virage aux airs de drum'n bass.
Une référence rap vient aussi enrichir l'ensemble qui reste toutefois
bien homogène.
Cette rencontre originale donne un résultat qui
l'est tout autant avec des DJ qui prouvent, si c'est encore nécessaire,
qu'ils sont de véritables musiciens.
(Chronique publiée sur Chroniques électroniques le 6 octobre 2009)
Date : 5 octobre 2009
Lieu : La Maroquinerie (Paris)
Habitué des scènes françaises, DJ
Krush continuait sa tournée française par Paris. Mais avant de voir le technicien japonais, le public a pu découvrir le groupe Sweetback
qui assurait une première partie dans un style jazz-fusion sympathique.
Le trio angevin a offert, en 45 min de prestation, solo de
saxophone, gros son de contrebasse et rythmiques enlevées. Leur style
de prédilection est un jazz plutôt aventureux, qui se permet des
incursions vers l'électro, le rock ou le dub. Un son pas
désagréable qui offrait une gentille mise en jambe.
Le temps d'apporter les platines de Krush au milieu de la scène et le
Japonais se lance dans un mix fidèle à lui même. Après une douce
introduction toute en nappes onctueuses, la première caisse
claire claque pour signaler le début d'un set abstract hip hop assez
homogène.
Le DJ enchaîne les titres pour poser une ambiance zen, riche
en hochements de tête. Il cale ses habituelles
flutes traditionnelles au milieu des morceaux instrumentaux pour
imprimer sa pate.
Son dispositif lui permet aussi de sampler un maximum
les extraits diffusés pour
les revisiter ou les déconstruire à volonté. Il donne ainsi une
version tout à fait personnelle du Organ Donor de DJ Shadow où la ligne de clavier n'en finit pas de varier. Shadow
était d'ailleurs à l'honneur ce soir puisqu'il était aussi présent dans la tracklist avec The Number Song qui faisait suite à une longue variation sur Colloque Sentimental de
Doctor Flake. DJ Vadim, Miles Davis avec The Doo-Bop Song et un certain nombre de titres du Japonais étaient aussi au programme.
Pour faire respirer son
set, Krush place un long break aux frontières de la musique concrète.
Dans une ambiance inquiétante et orageuse, une flute
improvise et envoûte les spectateurs. Un passage qui vient rompre un
mix devenant un peu linéraire.
Le retour du beat vient rassurer tout le
monde et relancer une deuxième partie de concert un peu
plus enlevée... avec quelques accents drum'n'bass. Il continue de
jouer avec son sampler pour se lancer dans des passe-passe toujours plus
techniques. La taille de la salle permettant d'avoir un
très bon aperçu de ses manipulations.
Après un saut en coulisse, Krush vient rejouer deux de ses classiques
avant la traditionnelle photo devant le public mettant un terme à
l'heure et demi de set. Un concert assez classique de sa part qui reste toutefois bien conçu et original.
Sept mois après sa biographie qui revient avec une étonnante franchise sur son histoire et les débuts du rap, Grandmaster Flash sort un
album... 20 ans après son dernier disque. Comme son titre l'indique, The Bridge
jette un pont entre l'époque des block parties dans lesquelles il
officiait en tant que DJ et un rap plus
moderne.
Les instrumentaux reflètent ce concept tout autant que les
nombreux invités qui viennent poser : quelques célébrités qui ont roulé
leur bosse comme KRS One, Big Daddy Kane,
Q-Tip, Busta Rhymes ou Snoop Dog et de nombreux nouveaux talents moins connus dont Hedonis Da Amazon, la chanteuse Syndee ou son fils J-Flo.
Et l'alchimie fonctionne ! L'esprit général du disque est homogène avec quelques titres qui se démarquent comme We Speak Hip Hop sur lequel Kase-O rappe en espagnol, Maccho
en japonais, le Sénégalais Abass en français et Afasi en suédois. Pour l'hommage aux DJ, deux morceaux assez dansants, l'un avec DJ Kool et DJ Demo l'autre avec
Supernatural, viennent apporter une autre touche au disque. Les
passages les plus énergiques restent les plus réussis surtout à
l'écoute du R'n'B de Unpredictable dont on se serait
bien passé...
Flash démontre qu'il n'a rien perdu de sa capacité à mêler ses goûts musicaux avec ceux de son auditoire.
(Article publié dans Only for DJ's en novembre 2005)
Au lendemain d’une victoire aux championnats DMC par équipe en 2002, les Birdy Nam Nam, composé de Crazy B, DJ Pone, DJ Need et Little Mike, décident de se lancer dans la réalisation d’un album joué entièrement avec des platines vinyles.
Le résultat, bien loin d’une intense débauche de scratchs, offre une large palette d’influences musicales et une grande créativité. Leurs morceaux prennent toute leur force en concert lorsqu’ils dévoilent leurs techniques de fabrication.
Quatre DJs concentrés dont les têtes balancent pendant six minutes sur un beat et quelques scratchs, ça sent la routine de championnat. Quatre DJs qui se font plaisir sur des compositions à la basse imposante et qui double le tempo, ce sont les Birdy Nam Nam. Crazy B, DJ Pone, DJ Need et Little Mike sont les rescapés de l’aventure Scratch Action Hiro, collectif de DJs français notamment vainqueur du championnat ITF en 2000.
Lors du split, ces quatre là décident de continuer ensemble et créent Birdy Nam Nam en vue de participer aux championnats DMC 2002. Le titre par équipe sera conquis sans DJ Pone engagé dans la compétition individuelle. Ceci clos le premier épisode du groupe.
La victoire passée, leur nouveau challenge n’est plus d’être les meilleurs du monde, mais de faire de la musique. “Nous ne savions pas vraiment où nous voulions aller avec cet album, mais nous avions l’idée de tout faire aux platines”, précise Crazy B. Chacun apporte sa touche, sa technique et ses influences. “C’est une sorte de Tetris où les sons s’empilent les uns après les autres”, explique DJ Need.
“Avec notre méthode de travail, il faudrait revoir le concept de samples, car nous faisons une utilisation différentes des sons. Nous manipulons des éléments très isolés et nous modifions les notes”, poursuit-il.
Un passage sera très jazz, un autre beaucoup plus deep, un morceau sera très entraînant et le suivant plus tranquille. Un accordéon ici, une guitare saturée là. Le résultat est riche, les boucles inédites. DJ Pone signale qu’à quatre, “toutes les influences sont mélangées”. Et si le scratch est présent, ce n’est pas l’élément principal et le recours aux platines se ressent sans être central.
Pour les besoins de l’enregistrement, deux vinyles contenant divers mélodies samplées ou jouées par des musiciens ont été pressés. D-Styles, invité par ailleurs sur l’album, est un des rares à avoir essayé ce même concept du “tout platine” sur son abum Phantazmagorea sortie en 2002. Mais si le groupe doit citer une influence en terme de DJing, il avoue surtout celle des légendaires Invisibl Skratch Piklz (Q-Bert, Mix Master Mike et Apollo), les premiers à scratcher en équipe.
En février 2004, l’album est bouclé et il semble pouvoir toucher un plus large public que les Birdy Nam Nam ne le présageaient. Ils partent alors en quête d’une maison de disque. “La musique a plu, mais nous ne rentrions dans un aucun format”, rapporte DJ Need.
En attendant une signature, ils ne perdent pas de temps : ils enchaînent une trentaine de dates et sortent deux maxis extraits de l’album. Le groupe s’entend finalement avec UWE et même si “le temps d’attente a été profitable, selon Crazy B, la sortie est une libération”. Cette signature leur permet de faire aboutir leur projet et d’y ajouter un DVD afin de donner plus qu’un disque.
Samedi 15 octobre 2005, la petite salle parisienne de la Maroquinerie affiche complet pour le concert des Birdy Nam Nam. DJ Pone est déchaîné, prêt à tout pour faire crier la salle et motiver ses collègues. “Nous cherchons l’efficacité, mais avec un travail plus en longueur que dans les compétitions”, estime-t-il.
Avec la multiplication des dates, leur show a pris de la bouteille comme le concède DJ Need : “nous tenons mieux notre set maintenant”. DJ Pone parle de plus en plus pour expliquer qui joue la basse ou la batterie ou donner les titres. Les lumières sont aussi plus rodées permettant de mettre en valeur les solos de chaque DJ. “Les rôles s’organisent en fonction des capacités de chacun, Little Mike a, par exemple, plus de parties de batterie”, précise Crazy B.
DJ Need explique pour sa part que “les compétitions ont plus de règles et de limites. En concert, nous rejouons l’album et cela nous donne plus de plaisir”. Et avec une percussionniste et un clavier spécialement invités pour la date parisienne, le plaisir semble encore plus grand.
Pour rejouer les titres en live, ils ont dû s’organiser : “des séquences sont envoyées sur CD car certains morceaux contiennent plus de 15 pistes que nous ne pouvons pas toutes jouer en même temps”, détaille Crazy B. Certaines boucles sont donc parfois interprétées par un des quatre DJs puis l’enregistrement prend le relai pour qu’il passer à un autre son.
Des vinyles ont aussi été pressés pour que chacun ait sa partie sur un support distinct.
La présence des Birdy Nam Nam sur différents festivals est un autre type de challenge et de reconnaissance. Après l'Ososphère à Strasbourg et Marsatac à Marseille, ils ont été retenus pour les Transmusicales de Rennes. “Il y a beaucoup de gens qui nous découvrent et ça se passe généralement bien, voire très bien”, assure DJ Pone.
Need ajoute qu’ils sont “souvent la bonne surprise du festival”.
Les plus grands DJ’s sont tout d’abord des collectionneurs. Leur but est de dénicher les meilleures pièces et si possible avant les autres. Et ça ne s’improvise pas !
Chapeau d’Indiana Jones sur la tête et fouet à la ceinture, bienvenue chez les aventuriers du vinyle perdu. Les stars du DJing consacre un temps considérable pour réunir des collections qui atteignent plusieurs milliers de références. “Il y a une certaine obligation à chercher de nouveaux disques pour faire évoluer ses sets”, observe DJ Chloé. Pour éviter l’ennui, l’auteur d’I Hate Dancing “écoute en permanence sa collection” afin de ne jamais jouer le même mix. Parfois, Chloé sature et trouve “que tous les morceaux se ressemblent”, alors elle s’oriente vers d’autres styles que l’électronique, “cela permet de ne pas s’enfermer et de s’ouvrir l’esprit”.
Comme ses collègues, elle affectionne de jouer des disques datant de quelques années et notamment les rééditions du label Dance Mania disponibles chez Hardwax à Berlin. “C’est notre rôle de faire découvrir des morceaux. C’est la base, mais ce n’est pas un boulot, c’est un plaisir”, concède Agoria.
Recevoir quelques dizaines de disques toutes les semaines chez soi est la récompense de la célébrité. Les nouveautés sont envoyés par les boîtes de promotions au label voire directement à la maison. Même s’il y a une grande part de ces disques qui ne sont pas retenus, Jori Hulkkonen de F Com avoue dénombrer au moins un tiers de son sac de vinyles venant de cette source. “Avec Internet ou une seule boutique, tu loupes des choses, nuance Agoria, et il est fondamental de se renouveler”.
Le Web, avec des sites comme Bassdistrict.com, permet surtout de faire du repérage. Sur Internet, l’attention portée aux titres est différente car l’auditeur ne subit pas l’influence de la pochette ou du macaron.
“La plus grande chance de trouver des disques, c’est de voyager”, prévient DJ Feadz. En vacances ou avant les soirées, les magasins de maxis deviennent des passages obligés, voire le seul but du déplacement. Phonica à Londres, Optimal à Munich, Extra Records à Lyon, Hokus Pokus ou Katapult à Paris, chacun a ses adresses.
Pour Jori Hulkkonen, “il faut travailler dur et écouter le maximum de morceaux possible dans le temps dont tu disposes”. Le Finlandais est contraint de voyager au vu du peu de bonnes boutiques dans son pays d’origine.
Devant les bacs, les méthodes divergent pour repérer les bonnes galettes. La plupart des DJ’s font confiance aux labels reconnus puis viennent ensuite des éléments plus subjectifs. Feadz constate ainsi qu’un “bon musicien a généralement du goût et choisit donc des titres accrocheurs et des belles pochettes”.
À l’inverse, Tiga conseille de ne pas négliger les “design vraiment pathéthiques” qui peuvent “mener à de l’or”. Il préconise aussi “d’acheter tout ce qui retient l’attention” et de ne pas oublier les faces B. “Les pochettes affreuses” ne sont pas délaissées non plus par DJ Chloé qui estime “qu’il y a une part de hasard” pour découvrir le meilleur. Lorsque DJ Feadz passe à Paris chez Cyber par exemple, entre 20 et 50 vinyles passent entre ses mains et il n’en retient que deux ou trois.
Généralement l’écoute ne dure que quelques secondes “au niveau de l’intro et du drop”, détaille Le Lutin. Celui-ci indique que les vendeurs réservent parfois aux habitués des disques dont ils disposent en quantité réduite. Le Lutin confie que “90 % des artistes et DJ’s Drum’n’Bass sont connectés sur AIM”, le chat sur téléphone portable d’AOL. Il est en contact direct avec les producteurs et peut suivre et obtenir les nouveautés plus facilement. Il ne néglige pas pour autant la recherche assurant “qu’il faut beaucoup de matière pour être créatif”.
Le film Scratch de Doug Pray consacre un chapitre au digging, l’art de trouver les disques, de fouiner dans les bacs. Certains DJ’s y consacrent un temps considérable et vont jusqu’à arracher les pages record des annuaires pour freiner les concurrents. DJ Shadow y est présenté comme le grand maître de la discipline passant des heures dans la cave d’un magasin anonyme s’impregnant respectueusement du travail des autres.
Assis au milieu de cette caverne d’Ali Baba où les piles grimpent quasiment jusqu’au plafond, le Californien indique que le temps passé à chercher “ne rendra pas un mauvais DJ bon, mais rendra un bon DJ meilleur”.
Légende nordique
Lors d’une visite dans sa ville natale de Kemi, en 1999, Jori Hulkkonen pénètre dans une boutique d’occasion où il découvre 700 vinyles comptant des classiques de la house ou des vieux tubes disco. Le DJ saute sur l’occasion payant le lot 115 euros ! Faute de moyen de locomotion, le vendeur lui livre le tout chez lui, à 100 km et au huitième étage, sans faire payer de supplément. L’été dernier, Hulkkonen retourne dans le magasin et demande s’ils vendent des disques. Le vendeur, qui ne l’a pas reconnu, lui répond qu’un “collectionneur fou” les a tous achetés cinq ans plus tôt.