13 oct. 2012

D'Julz : "Le métier de DJ est à l'image de la société : l'apparence prime sur tout"

Le DJ français livre sa vision de la scène électronique actuelle et craint pour son avenir...

D'Julz a fêté cet été au Rex Club ses 20 ans de carrière, lui qui détient le record de la plus longue résidence dans le club parisien avec ses fameuses soirées Bass Culture. Des raves au début des années 1990 à la clôture du DC10 à Ibiza il y a quelques jours, il a écumé les clubs et produit plusieurs titres à retenir. Fort de cette expérience, il porte un regard critique sur les mutations de la scène électro et tente d'entrevoir l'avenir.

Quelle est ta vision du métier de DJ aujourd'hui ?

Le métier de DJ est vraiment à l'image de la société : l'apparence et la communication prime sur tout. La visibilité est souvent plus importante que le contenu. Dans le monde du DJing, le marketing est roi, notamment avec l'electronic dance music (EDM) aux Etats-Unis. Les Américains se sont rendus compte qu'il y avait un truc à faire avec cette musique, ils l'ont donc récupéré à coup de millions en relations publiques et en marketing.
Cela donne une espèce de dance qui reprend toutes les formules qui ont fait leurs preuves en termes d'efficacité depuis 25 ans de musique électronique. C'est complètement étudié et superficiel et ça touche un public plus vaste. Je ne suis pas persuadé que ce soit une bonne chose.

Comment penses-tu que la situation peut évoluer ?

Il y a deux possibilités, soit cela va faire découvrir la techno au sens large à une nouvelle population, et, dans le lot, 5 ou 10 % des gens vont essayer de découvrir autre chose, d'affiner leur oreille. Si c'est le cas, c'est tout bénéf'. Soit, comme pour le disco avec le mouvement "disco sucks", tout est devenu disco et cela a créé une overdose et un rejet en masse de cette musique, même du disco underground. Est-ce qu'on est à l'aube de quelque chose comme ça ?
Aux Etats-Unis tout le monde se met à cette musique et cela peut conduire à un ras-le-bol général qui va faire du tort à la scène underground. Aujourd'hui, tout le monde est DJ, même Paris Hilton, ça me fait peur. Et avec Internet, cela peut aller beaucoup plus vite que pour le disco.


Ces évolutions changent-elles le métier de DJ ?

Pour moi, un DJ c'est un mec que l'on voit très peu dans la boîte, qui n'est pas sur une scène. Il est là pour passer la meilleure musique et mettre la meilleure ambiance possible, que ce soit avant-gardiste ou commercial. La star c'est le public, c'est ce que j'ai compris à New York et dans les raves.
Il y a actuellement une stratification du DJ, les gens vont les voir comme des groupes de rock pour entendre leurs morceaux et ne dansent pas, ils prennent des photos. C'est très éloigné de ce que je fais et qui risque d'être perdu à tout jamais car cette tendance touche même l'underground.

Est-ce la faute d'Internet ?

Le côté superficiel d'Internet est un passage obligé. On utilise tous Facebook. L'intérêt d'Internet est de permettre à ceux qui veulent se faire une culture de pouvoir le faire et d'avoir accès aux soirées. Il y a toute une génération de gamins de 18 ans qui sortent aujourd'hui et qui ont une grande culture, ils connaissent les vieux morceaux que je joue, ils sont à l'affut de ça, de cette connaissance. Grâce à des sites comme Discogs ou Soundcloud, ils ont accès à des mixs, des disques, etc. Ma culture de 20 ans, on peu se la faire un mois. Ca c'est le bon côté des choses. Il y a les deux aspects, c'est très difficile de dire où ça va aller.

Bonus :

- Un podcast de D'Julz pour la série Electronic Groove issu d'un mix de mai 2012 à la Doc Martin's party LA Sublevel :

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