Après 30 ans de carrière, DJ RLP préfère ranger les platines que travailler dans de mauvaises conditions...
Il est venu du Canada en 1983 avec le DJing dans ses bagages. Au travers de ses mixs sur toute la bande FM (de RFM à FG en passant par Skyrock, Radio 7 ou Europe 2) et dans de nombreux clubs, dont des résidences aux Bains, au Palace ou au Queen, Robert Levy-Provençal (RLP) a porté la bonne parole pour pousser les Français à passer du bon vieux pousseur de disque au vrai DJ. Il a finalement réussi à mettre le DJ au centre de l'attention, mais dans un climat qui ne le satisfait pas... loin de là.
Comment étais-tu reçu dans les clubs quand tu es arrivé en France ?
Les gens ne comprenaient pas vraiment les DJ, ce qui est d'ailleurs encore le cas aujourd'hui… Parfois, il fallait jouer Les Démons de minuit après du Chic ou Planet Rock de Bambaataa ! Le matériel dans les clubs n'était pas du tout adapté, il fallait scratcher sur des platines à courroie… j'ai d'ailleurs parfois endommagé les tables de mixage. Avoir une fiche technique était une injure, il fallait faire très attention où on mettait les pieds. Comme j'ai installé ce concept en France, j'ai essuyé les plâtres. Les clubs n'ont toutefois compris que récemment qu'il fallait une fiche technique pour un DJ, avant je n'avais par exemple des retours qu'une fois sur cinq…
Comment cette situation a-t-elle changé ?
A Paris, le premier qui a compris qu'il fallait inviter des DJ guest est David Guetta lorsqu'il était directeur artistique du Queen en 1993. Il a tout d'abord fait venir David Morales qui n'était pas encore connu. C'était assez inconcevable de dire qu'on allait lui payer l'hôtel, l'avion, etc. alors qu'il n'y avait qu'une infime partie du public qui connaissait les DJ, ça concernait surtout le 8 et le 9e arrondissement de Paris. Le Queen a vraiment ouvert les portes de ce phénomène. Les autres clubs l'ont ensuite compris au fur et à mesure, faisant venir d'abord des bons DJ et aujourd'hui des DJ connus.
Justement, comment as-tu vu évoluer le milieu club et DJ ?
Les choses sérieuses ont débuté au milieu des années 1990 avec la french touch, qui restait toutefois un phénomène parisien, avec quelques DJ connus en France mais surtout à l'export. De 1995 à 2005, il n'y avait toutefois pas encore beaucoup de DJ. Il fallait avoir des vinyles, une culture musicale, etc. Il y avait quelques DJ stars, comme Carl Cox, mais tous les clubs ne pouvaient pas se les payer. Les DJ devait être bons et s'adapter.
Aujourd'hui, tout le monde est DJ, a les mêmes morceaux et faire venir un DJ en club n'a rien d'attractif. Il faut booker des DJ connus, ce qui veut dire qu'ils ont un titre en radio, et pas n'importe laquelle, et peu importe comment ils mixent. Cette situation rend la vie difficile pour les DJ qui ne savent pas produire de musique.
Les cachets des DJ ont aussi évolué de ce fait ?
Il y a eu une surenchère, les DJ savent qu'ils ont une valeur marchande et demandent de plus en plus d'argent. Cela devient difficile pour un club de lâcher 10 ou 15 000 euros pour faire venir un DJ. Chiffre qui augmente de 15 à 20 % par an. Il y a 20 ou 30 clubs en France qui peuvent se le permettre, mais comme il y a 2 000 lieux de nuit, il faudra passer à autre chose. Les grosses stars ne sont de toutes façons plus en club.
Ces derniers ne peuvent se payer que des DJ qui demandent entre 2 000 et 4 000 euros, mais ils n'ont pas de garantie de faire plus de monde qu'avec leur résident payé 200 euros la soirée. Il se créé un gouffre et certains patrons se demandent s'ils ne feraient pas mieux d'investir leur argent autrement, dans l'animation ou l'accueil, et de valoriser leur DJ résident. Car les DJ ne baisseront pas leurs tarifs car les contraintes budgétaires ne sont pas les mêmes au niveau international.
Comment vis-tu cette situation personnellement aujourd'hui ?
Je ne peux plus faire mon métier. J'ai pris la décision fin 2011 d'arrêter de mixer dans ces conditions, du fait aussi que je ne suis pas une superstar et que je ne peux donc m'exprimer comme je veux. Je joue seulement quand on me le propose et je pose des conditions draconiennes, qui sont artistiques et pas financières. Il y a un an, je demandais un cachet minimum, maintenant mon gagne pain est ailleurs - je gère deux agences de booking -, je suis donc seulement attentif à la clientèle et à l'ouverture musicale. Je veux faire mon métier dans des conditions dans lesquelles le public pourra apprécier, ce qui arrive encore de temps en temps.
Bonus :
- Le site d'une des agences de booking de RLP, Evidence Agency.
- Retrouvez l'interview de Ludovic Rambaud, rédacteur en chef d'Only for DJ's, qui dresse le même constat sur la situation des DJ en France.
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