(Article publié le 18 mars 2010 sur Chroniques électroniques)
6 mars 2010, les Birdy Nam Nam remportent la Victoire de la musique de « l'enregistrement de musiques
électroniques ou dance de l'année ». Une anecdote de cette cérémonie sans intérêt pour certains, un symbole pour d'autres.
Le symbole que les groupes composés de DJ ne sont plus simplement une
curiosité, mais sont entrés dans le paysage musical grand public. Leur exemple fait d'ailleurs des émules puisque d'autres équipes de DJ sortent en ce début 2010 leur premier disque.
Pour les Birdy, tout commence en 2002, Need, Little Mike et Crazy B (Pone se concentre sur la compétition individuelle) gagnent la compétition phare : le DMC. Dans cet univers très technique et très confidentiel, les Français apportent une touche nouvelle, la « musicalité ». Fini les démonstrations de
scratchs ou de beat juggling, leur routine se veut musicale !
Le titre remporté, le groupe décide de se lancer dans la composition d'un album. Le disque éponyme voit le jour en 2005 (voir aussi la vidéo très didactique du génial titre Abesses), démontrant tout le travail effectué par les DJ pour passer d'une
démonstration dans une compétition à de véritables morceaux accessibles à des auditeurs pour qui le passe-passe est un extrait de chanson de NTM, et le crabe, un crustacé (alors que ce sont des
termes techniques de DJing !).
Ils présentent aussi à cette occasion leur large palette d'influences qui va du rap au jazz en passant par bien d'autres styles... un éclectisme qu'ils
oublieront malheureusement par la suite.
C2C quatre fois champion
Mais si les BNN ont lancé le mouvement, d'autres groupes de DJ sont là pour assurer la relève, et de quelle manière ! Les Nantais de C2C vont être
champions du monde DMC par équipe pendant quatre ans, de 2003 à 2006. Mais surtout, ils vont pousser le concept de « musicalité » dans l'univers des DJ techniques à un niveau bien plus
élevé. Leurs routines contiennent de véritables nouveaux morceaux ou des remixs plus que convaincants.
Quand il s'agira de prolonger l'expérience sur disque, le groupe divisera ses forces avec Atom et Pfel qui fonderont de leur côté Beat Torrent et 20Syl et Greem, le groupe de rap Hocus Pocus (qui vient d'ailleurs de sortir un nouveau disque). Seuls les deux premiers
continuent uniquement en tant que DJ dans un style plus électronique qui convaincra nombreux programmateurs de festivals. Ils sont aussi les auteurs d'un album sorti l'an passé sous le titre
Live Set 2008.
De nouveaux challengers sur disque
Mais à l'écart de ces précurseurs, d'autres équipes de DJ travaillent dans l'ombre et préparent eux aussi leurs titres confectionnés aux platines. « Scratch Bandits Crew s'est formé en 2002. Nous étions plusieurs DJ sur Lyon à se retrouver autour du scratch, nous avons formé un collectif qui est
devenu un vrai groupe après les premiers concerts », raconte un des membres, DJ Supa-Jay. « Nous avons très tôt voulu faire de la musique, mais c'était compliqué de piocher dans
les disques existants, nous devions nous contenter de titres courts ou de remixs.
Mais avec la possibilité de presser des vinyles à l'unité ou avec les systèmes numériques permettant de scratcher
des fichiers numériques, nous pouvons désormais aller plus loin », explique-t-il. Les Lyonnais publient donc en avril leur premier maxi (chroniqué ici) qui démontre à la fois leur technique et leurs diverses influences musicales.
Ce groupe est aussi passé par les compétitions, notamment en remportant le championnat de France DMC par équipe en 2004 ou le championnat du monde 2008 en solo pour DJ Fly.
Une étape qui semble inévitable, puisqu'elle a également été suivie par Pulpalicious, vice-champion de France en 2007 et 6e au championnat du
monde suivant. Les quatre Dijonnais composaient déjà à la fin des années 1990. « Nous voulions déjà faire ce que nous faisons aujourd'hui avec le groupe, se rappelle Mr Style, il y a en
effet un moment où la technique devient un peu rébarbative et nous avons cherché quelque chose de plus musical ».
Après différents projets perso et quelques changements dans le collectif,
Pulpalicious se lance pour quelques dates en 2007 et se fait repérer par un des programmateurs des Eurockéennes qui les invite au festival en 2008. « Il y a eu aux Eurocks un effet auquel nous
ne nous attendions pas, ça a buzzé, on a trouvé un bookeur qui nous a calé plein de dates. »
Le groupe a ensuite attendu janvier 2010 pour sortir un premier maxi, Dirty. « Il aurait fallu le sortir en 2008, mais nous avons enchaîné les concerts
et nous n'avions pas le temps d'enregistrer », observe Mr Style. S'ils viennent du rap, ils reconnaissent que leur musique sonne plus électro-rock. « Cela reste technique car pour faire
de la musique à quatre, il faut une véritable coordination, mais le public ne veut pas non plus du scratch pur et dur », continue-t-il.
Le futur des groupes de DJ
Quant au futur, il pourrait se dessiner bien vite. En effet, ce sont encore des Français, toujours très axés sur la musicalité, qui ont trusté les premières places du DMC par équipe ces dernières
années. Venu de la région parisienne, Traumateam a ainsi fait 3e en 2007 puis deux fois deuxième en 2008 et 2009 (coincés derrière les Japonais de
Kireek).
Un résultat 2009 qui leur reste un peu au travers de la gorge, avec seulement un point de retard sur les premiers. « Nous avons été surpris par l'appréciation de certains jurys
qui nous ont vraiment pénalisés. Nous ne partageons pas du tout notre vision de la musicalité avec les Japonais, car ils sont très techniques, mais tu te fais chier pendant six minutes, commente
DJ R-Ash, dans nos shows nous essayons d'être musicaux avant tout. Il faut que ça parle à tous les gens, même ceux qui ne connaissent pas le turntablism. Nous essayons qu'il y ait un début,
un milieu, une fin et de raconter quelque chose. »
Traumateam - DMC France 2010
Si l'idée d'enregistrer un maxi ou un album n'est pas encore tout à fait à l'ordre du jour, elle pourrait arriver rapidement. « Nous aimerions essayer de donner
un sens à l'aventure Traumateam avec peut-être un breakbeat de nos compositions ou nos routines. Il faut laisser les choses fermenter. Nous voulons en tout cas continuer dans le sens d'un
groupe », espère R-Ash. Certains membres du groupe, sous l'étiquette Scratch Science, ont déjà sorti plusieurs vinyles à destination des DJ.
Ils sont conscients qu'ils font partie d'un mouvement en mutation. « Le fait d'être un groupe de DJ est de plus en plus naturel. Le public est de moins en moins surpris d'entendre quelque
chose de musical et d'accessible joué par des DJ. Les Birdy Nam Nam ont réussi à faire intégrer ça », concède-t-il. « Les groupes de DJ restent encore une curiosité, même elle est moins
forte qu'avant », considère pour sa part Mr Style de Pulpalicious.
Supa-Jay rappelle toutefois que « les groupes de DJ existent depuis longtemps [les premiers sont les Invibl' Scratch
Piklz – Q-Bert, Mixmaster Mike et Apollo – champions DMC en 1992], les BNN n'ont fait que démocratiser la chose », ce qui permet notamment aux Scratch Bandits Crew de n'avoir
« plus besoin d'expliquer [leur] manière de faire de la musique ».
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