17 janv. 2012

Conclusion de "L'Histoire des DJ... et de leur influence sur la musique"

(Conclusion du livre "L'Histoire des DJ... et de leur influence sur la musique" écrit par l'auteur de ce blog - sorti en janvier 2010 chez Camion blanc)

Si des DJ anglais, allemands et bien d'autres ont également joué un rôle dans le développement de la musique, les trois exemples développés ci-avant présentent les cas où l'influence sur la musique a été la plus directe et la plus importante.
Le rap, le reggae, la house et la techno tirent en effet directement leur existence et leurs particularités de la pratique des DJ. Ces trois périodes sont aussi celles pendant lesquelles l'essentiel des techniques de mixage encore utilisées aujourd'hui ont été conçues.

Au cours des années 1990, la techno, la house et leurs dérivés touchent le grand public, grâce à quelques grands noms qui se dégagent dans le paysage tels que Laurent Garnier, Jeff Mills, Sven Väth ou Carl Cox pour les musiques électroniques. Ces derniers portent le mouvement et drainent un public qui est prêt à les suivre les yeux fermés.
Le rap explose lui aussi aux Etats-Unis et dans le reste du monde avec des figures comme Nas ou Jay-Z, tandis que le reggae popularisé par Bob Marley continue ses mutations qui trouvent des amateurs bien au-delà des frontières de son île d’origine. La plupart des DJ continue à multiplier les casquettes de producteurs, de remixeurs et parfois de patrons de label. A l'image de ce que faisaient les « Big Three » à la Jamaïque, le meilleur moyen d'avoir des morceaux au goût du public, et de faire plus d'argent, reste de contrôler toutes les étapes de la chaîne de production et de diffusion.

Les possibilités de publier des disques se multiplient avec la sortie de compilations mixées à partir de 1992, le développement des maxis et des albums même si ce format ne reste pas toujours bien adapté aux musiques électroniques. Les remixs deviennent également de plus en plus courants dans la musique électronique, chaque morceau sur maxi étant accompagné d'une ou plusieurs de ses relectures, de plus en plus sophistiquées, s'éloignant des originaux avec de nombreux ajouts.

La démesure des années 2000
Vers 1997 avec l'arrivée de la french touch tirée par des groupes comme Daft Punk ou Cassius, une nouvelle ère débute avec un important écho trouvé auprès du grand public. Les propriétaires de clubs et les organisateurs de soirées proposent des ponts d'or pour accueillir les meilleurs DJ, ne serait-ce que pour un set de deux heures. Certains font la couverture de magazines, des tournées mondiales sont organisées dans des lieux de plus en plus grands, atteignant parfois le stade de football.
Ibiza devient la destination de l'été pour tous les clubbeurs, faisant exploser les prix d'entrée des clubs et les cachets des résidents. Les remixeurs de renom touchent parfois d'énormes sommes pour revisiter un titre. Toute une économie se met en place autour d'eux, certains sont signés dans des majors, d'autres sont gérés par des agences de booking. Les DJ rap restent quant à eux confinés à des sphères moins larges alors que les MC deviennent des superstars internationales.

Après l'an 2000, peut-être le point culminant de la démesure du succès des DJ électro, certains grands noms ont pris du recul, d'autres ont émergé. « Pour l'industrie techno, cette date fut un point de non-retour. Elle symbolisait l'insatiable gourmandise d'un système devenu marchand, dans lequel la musique ne tenait plus qu'une place circonstancielle », considère Laurent Garnier dans Electrochoc.
Le DJ aujourd'hui est une figure banalisée. Les plus connus gagnent toujours d'impressionnants cachets, mais ils jouent une musique commerciale et ne prennent plus beaucoup de risques. Ils sont entrés dans un moule où les expérimentations sont bien rares et où la technique n'est plus considérée comme une qualité. Seuls les 2ManyDJ's et leurs bootlegs ont produit quelque chose d'un tant soit peu original ces dernières années. Leur mélange de styles s'appuyant sur des enchaînements rapides entre les titres rappelle ce que faisaient les DJ du Bronx dans les années 1970... avec le même objectif de faire danser.

Certains anciens comme Laurent Garnier, Jeff Mills ou Carl Cox continuent de jouer en club avec un moindre impact auprès du grand public, mais toujours un fort soutien des connaisseurs. Les plus populaires d'entre eux, le Français David Ghetta ou le Hollandais DJ Tiësto par exemple, produisent une musique totalement formatée qui n'apporte rien d'inhabituel. Excepté dans le rap, rares sont les DJ qui participent encore à des groupes de musique, une pratique qui relève surtout de la curiosité.
Leur influence sur la musique est donc bien limitée aujourd'hui. Il ne semble pas falloir attendre de nouveautés des nombreux clubs toujours très fréquentés de New York, Londres ou Paris. Quelques sous-genres voient tout de même le jour régulièrement, le dubstep en Angleterre ou le Kuduro en Angola par exemple, mais pas de quoi ouvrir une véritable voie originale et durable.

Les DJ gardent en revanche un rôle à jouer dans la révolution numérique qui se joue actuellement. Des matériels modernes ou des logiciels de mixage sont développés régulièrement pour offrir de nouvelles possibilités. Les innovations en matière d'interaction avec l'image, avec des DJ-set mêlant musique et vidéo, sont sans doute les explorations les plus intéressantes. Coldcut en a donné une très intéressante illustration en 2009 avec leur film écologiste Energy Union.
Au lien entre images et création en directe de la musique par le biais de machines et d'un petit ensemble de cordes, le duo anglais a ajouté un véritable message politique. Une dimension sans doute encore peu exploitée...

L'utilisation de logiciels types Final Scratch ou Serato, qui permettent de mixer des fichiers sur un ordinateur à partir de platines équipées de vinyles spéciaux, permet aussi de modifier les pratiques. La crise du CD pourrait également en pousser certains à inventer des prestations scéniques originales, les concerts demeurant l'activité la plus rentable actuellement.
Les expériences acoustiques telles que l'utilisation du son surround, tentées notamment par Amon Tobin ou Aphex Twin, devraient offrir encore de nouveaux terrains de jeu au fur et à mesure que les salles accueilleront ce type d'équipement.

Les DJ conservent bien entendu le rôle de découvreurs de musique, faisant le tri dans la foisonnante production, et surtout d'historiens auprès d'un public qui vit de plus en plus dans la tendance du moment, oubliant celle d'hier... Ce même public qui veut toujours danser, un besoin à l'origine de bien des innovations sonores !

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