Avec plus de 30 ans de carrière,
Antoine Clamaran porte un regard aiguisé sur l'évolution du DJing et son avenir qui sera "difficile"...
10 ans résident en province, 10 ans à Paris, 10 ans en indépendant en France et autour du monde, le DJ français a connu tous les modes de vie des DJ depuis ses débuts en 1982 au Whisky à Gogo. Outre les célèbres "Gay Tea Dance" du Palace, des résidences au Queen et aux Bains, Antoine Clamaran s'est fait connaître par ses productions et ses émissions de radio sur FG et Fun Radio notamment. Alors qu'il pousse actuellement son projet "Republic" avec 4 autres DJ français, il nous donne sa vision du métier.
Comment as-tu vu évoluer le milieu des DJ ces dernières
années ?
Le milieu du DJing vient de subir deux phénomènes : la
crise depuis 2 ans et le fait que le métier devient de plus en plus
populaire, avec de plus en plus de DJ qui réussissent. Comme certains sont très connus, les patrons de club et les
programmateurs de festival les font venir en priorité, au
détriment des autres.
En l'espace de 6 ans,
les choses ont complètement changé. Avant, c'étaient les DJ qui
produisaient, maintenant, ce sont de jeunes musiciens qui deviennent
DJ, c'est le cas d'
Avicii par exemple. La technique est devenue plus accessible. S'il n'y avait encore actuellement toujours que des vinyles, certains DJ n'émergeraient pas.
De plus, aujourd'hui, le concept de "concert de DJ" se développe, alors
qu'avant les DJ n'étaient là seulement que pour mettre l'ambiance. Une
petite
minorité du public fait attention à ce que le DJ fait, mais la
grande
majorité ne comprend pas. Les spectateurs viennent le voir pour les
titres qu'il produit, pas pour son mix.
Et les DJ français ?
Nous
avons une vraie richesse en termes de jeune génération en France même si
certains manquent un peu de patience. La plupart des DJ qui ont explosé
ont plus de 30 ans, ils sont très rarement plus jeunes… sauf quand ce
sont des producteurs à l'origine. Avant, avec la vente de
3 000 ou 4 000 vinyles, on pouvait vivre sans un boulot à côté et donc
avoir du temps pour travailler le mix, tourner et apprendre. Aujourd'hui, c'est beaucoup
plus difficile de démarrer même si l'émergence rapide de certains peut faire croire le contraire.
De plus, il existe
des solidarités en termes de nationalité à l'étranger où chacun défend son
poulain. Nous avons peut-être pêché en France en ne s'aidant pas les uns
les autres. C'est pour cette raison que nous avons monté le projet
"Republic" l'an dernier à Miami avec 4 autres DJ français :
Gregori Klosman,
Tristan Garner,
Michaël Canitrot et
Sébastien Benett. Nous
nous connaissions et nous apprécions tous, nous avons donc décidé d'un
projet commun, même si nous sommes différents.
Comment as-tu vu évoluer la musique électronique ces dernières années ?
Depuis 2 ou 3 ans, les Américains ont commencé à en jouer et
ça a mis tout le monde d'accord. Ils se sont rendus compte qu'il y
avait un marché, alors qu'il était
inexistant auparavant aux Etats-Unis. Vers 2004 ou 2005, la polka s'y vendait plus
que la musique électronique en chiffre d'affaires et en volume ! Cette
musique avait plus d'importance en Europe, alors que bizarrement il y a
de très grands DJ aux Etats-Unis... Il n'y avait que la Winter Music
Conference de Miami, quelques événements à Los Angeles et les clubs de
New York ou quelques uns à Boston, mais c'était compliqué car ils
fermaient presque partout à 1 h du matin. Alors que maintenant Las Vegas
est devenu le plus grand club du monde et il y a des festivals
dans toutes les villes. Avant, des rappeurs n'auraient pas
chanté sur de l'électro !
David Guetta a été un
déclencheur de ce mouvement.
Comment vois-tu l'avenir ?
L'avenir
va être compliqué pour les DJ, même si ceux qui travaillent et
s'accrochent pourront y arriver. Il y a aujourd'hui beaucoup plus
d'aspects à gérer dans une carrière comme l'image, et il faut un booker,
un attaché de presse, etc. Si tu n'entres pas dans le moule, c'est
difficile. Pourtant, je pense que les jeunes ne doivent pas calquer leur parcours
sur celui de DJ existants, mais avoir leur identité, se démarquer, même si on a
tous des modèles en termes techniques ou de show.
Les
années 1990-2000 ont été celles des mannequins, les années 2000-2010
celles des DJ. Actuellement, la barre est très haut avec
David Guetta,
Tiësto,
Armin Van Burenn ou
Afrojack. La demande des gens va changer,
celle des clubs change déjà, ils veulent sortir de leur dépendance aux
DJ car certains ont fermé en
raison de la surenchère des cachets, surtout dans les pays où il y a
des gros problèmes économiques, comme en Grèce, ou politiques, comme dans les
pays Arabes, même si d'autres scénarios sont possibles, comme aux
Etas-Unis ou au Brésil.
Bonus :
- les mixs "All night Long" d'Antoine Clamaran sont en téléchargement gratuit
sur son site (rubrique "Radio show").